Michel Serres : « Mes profs de gym m’ont appris à penser ! »

« … mettre le corps davantage au centre de l’enseignement… »

« Les professeurs de gymnastique ont beaucoup plus d’importance dans la société et dans l’enseignement qu’on ne le croit d’ordinaire. Je souhaiterais qu’ils soient presque au centre de l’enseignement ». On pardonnera « professeur de gymnastique » à Michel Serres, pas très au fait des réalités de l’éducation nationale. On le fera car dans  » Mes profs de gym m’ont appris à penser » (Le Cherche Midi / Insep), Michel Serres fait l’apologie de l’EPS en expliquant pourquoi. Il distingue très bien le sport de l’éducation physique. Alors que le premier lui semble destiné à mourir, l’éducation physique « vit vraiment ».

L’intelligence du corps

Un an après la mort de Michel Serres, Le Cherche Midi et l’Insep publient sous forme d’un petit ouvrage une sélection d’un long entretien réalisé pour l’Insep en 2009 entre Michel Serres et François L’Yvonnet.

L’idée que « les profs de gym » apprennent à penser est développée par M Serres dans l’ouvrage.  » Le corps est intelligent, ne serait-ce que par sa capacité de mime et d’adaptation. Quand, par exemple, je change de vitesse en voiture, je ne récapitule pas tous les théorèmes de la thermodynamique. Pourtant, si je voulais avoir une conduite tout à fait rationnelle, il le faudrait bien ! Si je n’ai pas à le faire rationnellement, c’est que le corps sait le faire, avant même que j’y pense », dit-il.

Ainsi le corps aurait sa forme de compréhension profonde, beaucoup plus profonde que l’intelligence. Cela nous vaut un passage  contre la compréhension et pour l’apprentissage par coeur.  » Savoir quelque chose par corps, comme le savoir par coeur, c’est quand le corps exécute un geste sans y penser, sans qu’intervienne la conscience. J’appelle cela, en effet, l’oubli du geste ; le geste est installé à l’intérieur de l’organisme, il est dans le « noir » du corps, le corps qui est comme une boîte noire. Savoir un geste, c’est d’une certaine manière l’oublier. Platon disait : « Savoir, c’est se souvenir. » Ici, savoir, c’est oublier ! »

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